Brève bibliographie de Nicolas Rivard dit Lavigne

NICOLAS RIVARD DE LA VIGNE


"Oncle Jean, que pensez-vous de la patrie?"

La patrie, mon fieu.(fils) ça date du temps des Français. Le premier de notre nom qui vint ici par la mer fut d'abord soldat, dans l'armoire de la grand' chambre, il y a des papiers où c'est marqué, qu'il fut soldat. Mais il faut croire que, dans les vieux pays "Il venait du Perche; c'est comme qui dirait un about de la Normandie"

Il faut croire que là-bas, ces gens étaient cultiveux, et qu'il avait ça dans le sang, parce qu' aussitôt qu'il pu il prit une hache et s'attaqua à la forêt comme un vrai Terre-Neuvien. Or, c'est ici où nous sommes, qu'il abattit son premier arbre: la terre à l'ancêtre Nicolas, c'est la mienne! La glaise qui botte à mes talons s'est attachée aussi à ses sabots.

Après lui, son fils aîné Julien, et son petit-fils Jean-Baptiste, son arrière-petit-fils François et le fils de François, Benjamin mon père, tous l'un après l'autre ont vécu de la terre qui me fait vivre: c'est ici que, tous, ils sont nés, qu'ils ont travaillé, qu'ils sont morts." (1).

Voilà un récit fort simple, un peu naïf même, une sorte de transposition de la réalité qu'évoque Adjutor Rivard, racontant les souvenirs de son enfance à Saint-Grégoire de Nicolet, il y a un siècle. Ces quelques lignes brossent en quelques traits, on ne saurait le faire plus succinctement. " le tableau généalogique de l'ancêtre."


Cinq cents ans d'histoire familiale

Par rapport au plus grand nombre de colons, arrivés au XVIIe siècle en Nouvelle-France, les Rivard se trouvent historiquement privilégiés. Grâce aux recherches de madame Pierre Montagne (2), on connaît maintenant jusqu'à Thomas Lousche et Perrine Mercier, les arrières grands-parents de Jeanne Mullard, mère de Nicolas et de Robert Rivard, deux pionniers de la Mauricie. Par les Lousche et les Mullard. les Rivard canadiens peuvent être fiers du fait qu'ils connaissent, du moins partiellement, un passé qui remonte dans le temps à près d'un demi millénaire. Qui peut dire mieux, à part les familles issues de la grande et de la petite noblesse?

Le Percheron est très fier de ses origines. Même si, aujourd'hui, le Perche a pour ainsi dire perdu son identité au profit de la Normandie, n'allez pas faire croire au citoyen de Mortagne que sa province n'est pas la plus pittoresque de France. Cette ville rappelle étrangement Québec, le fleuve en moins. Elle est bâtie sur une colline et elle gardé son allure médiévale d'ancienne forteresse avec ses remparts et ses accès qui ressemblent à nos portes Saint-Louis et Saint-Jean.

A quinze kilomètres à l'est de Mortagne, le bourg de Tourouvre est dominé par le clocher de l'église Saint-Aubin, celui-là même que restaura en partie le maçon Jean Guyon qui allait devenir, il y a presque trois siècles et demi, l'un des pionniers de la Nouvelle-France. Tourouvre est le patelin des Jean Creste, Jean Roussin, Julien Mercier, Michel Mathieu, Brunet dit l'Estang, Aubin Lambert, François Prévost et quelques autres. Il est aussi celui des frères Nicolas et Robert Rivard (3).


Nicolas s'engage pour le Canada

Le vendredi 6 mars 1648, Nicolas se présente en la maison du notaire Chouaiseau, qui rédige pour lui le contrat que voici: «Fut présent Nicolas Rivard demeurant à Tourouvre, lequel a volontairement promis et s'est obligé par corps et biens à et envers maître Noël Juchereau sieur des Chastellées demeurant à Québec en la Nouvelle-France, absent stipulant et acceptant pour lui Pierre Juchereau sieur des Moulineaux demeurant à Tourouvre ad ce présent, savoir est d'aller par ledit Rivard servir ledit Juchereau sieur des Chastellées audit pays de la Nouvelle-France autrement dit Canada pour le temps de trois ans à commencer du jour de l'embarquement qui se fera en cette année à La Rochelle et finissant au débarquement qui se fera au bout dudit temps en France de le nourrir pendant le dit temps. Et a été ce fait moyennant la somme de soixante et six livre tournois pour chacun an que ledit Juchereau a promis de payer ou faire payer par ledit maître Noël son frère audit Rivard par chacun an sur laquelle somme icelui Rivard a reconnu avoir reçu dudit Juchereau la somme de quinze livres tournois dont il se tient content.. (4).


Capitaine de milice
En 1656 Nicolas est nommé capitaine de milice au Cap-de-la-Madeleine et il exercera cette fonction jusqu'à un âge avancé. Le 6 Juin 1651, il avait reçu des Jésuites une terre de deux arpents de front donnant sur le fleuve, avec profondeur de vingt.
La date de mariage de l'ancêtre Nicolas ne nous est pas connue de façon précise: Tout au plus savons-nous qu'elle a eu lieu entre le 19 août et le 24 novembre 1652. Quoi qu'il en soit, le 24 novembre 1652 (5) Nicolas et son futur beau-frère, Pierre Guillet dit Lajeunesse, procèdent à la vente, à Gilles Trotier, des terres appartenant â feu Mathurin Guillet et à sa femme Catherine de Saint-Père, terres situées au Cap-de-la-Madeleine Mathurin, frère de Pierre, a été victime des Iroquois lors de la tristement célèbre sortie organisée par le gouverneur de Trois-Rivières, Guillaume Duplessis-Kerbodot, en août 1652.
Par la suite, Nicolas Rivard, baptisé le 10 Juin 1617 à Saint-Antoine de Tourouvre, fils de Pierre Rivard et de Jeanne Mullard, épousera Catherine de Saint-Père, née en 1634, fille d'Etienne de Saint-Père et de Madeleine Couteau, et veuve de Mathurin Guillet. Le 1er février 1654, Nicolas et Catherine feront baptiser leur premier enfant, un fils prénommé Nicolas comme son père.


La chapelle de Pierre Boucher

Le 7 mars1661, le notaire Claude Herlin rédige un acte qui aura de profondes répercussions sur la vie des paroissiens du Cap: le gouverneur Pierre Boucher cède à Nlcolas Rivard une chapelle qu'il a fait construire dans sa cour; cette chapelle sera ainsi démontée et reconstruite dans le bourg voisin. Elle aurait été érigée à l'endroit précis où se trouve la seconde église, qui existe toujours.

Le 23 mars 1666 (6), Nicolas Rivard reçoit des Jésuites deux habitations à Batiscan (l'une à la seigneurie de Batiscan, l'autre à l'île Saint-Eloi) de deux arpents sur quarante chacune. Les Rivard vivront encore quelque temps au Cap-de-la-Madeleine, où ils sont recensés en 1666. Le déménagement se serait produit vers 1668. Il y a lieu de croire que Mgr de Laval a conféré le sacrement de confirmation dans la maison de Nicolas, a Batiscan, le 25 mai 1669. D'ailleurs, le saint évêque trouva le lieu favorable à l'établissement d'une paroisse et demanda à l'abbé Germain Morin, le premier prêtre d'origine canadienne (7), à voir à son organisation.


Défenseur des colons

Nicolas Rivard n'hésitait pas à se porter a la défense des faibles. Le 13 août 1663(8). on le voit porter plainte contre Michel Peltier de Laprade le futur seigneur de Gentilly. Le vaillant capitaine de milice, assumant pleinement son rôle, a trouvé chez Peltier un nommé Pierre Retoucq "étendu, sans paroles" après une violente querelle. Nicolas porte alors plainte
contre l'assaillant et un tribunal composé de Pierre Boucher, Quentin Moral et Louis Laurent condamnera le défendeur à vingt livres d'amende.

Nicolas Rivard, écrit madame Jeanne Patenaude (9), avait comme caractère propre, un attrait et des aptitudes, il faut le dire, le portant à s'occuper de la chose publique: en maintes occasions, les Archives nous le présentent comme ayant pris l'initiative de défendre les intérêts communs des habitants du Cap ou de Batiscan,
Il a, en 1676, plaidé devant les tribunaux la cause des colons de Batiscan qui se trouvaient mécontents des «alignures " et bornes limites fixées par l'arpenteur Jean Guyon du Buisson"

Après l'échange de lettres plutôt acerbes entre Nicolas Rivard " procureur et demandeur", et le représentant du Roy, le 13 octobre 1676, une ordonnance signée aux Trois-Rivières par Boyvinet était publiée à l'effet que l'arpenteur Jean Le Rouge examinera les bornes plantées par le sieur Guyon, remettant aux intéressés ce qui manque à chaque colon de quantité de terre tant sur la " devanture que sur la profondeur." Il se transportera à chaque habitant assisté du procureur fiscal et par l'huissier de la Côte (de Batiscan). Nicolas Rivard, sieur de la Vigne, examinera les contrats des habitants et verra à ce que justice soit faite. Enfin, leurs plaintes avaient été entendues. Nicolas Rivard était un vrai bon avocat!


Malgré toute la bonne volonté et toute la conviction qu'il a pu y mettre, l'ancêtre Nicolas n'a pas gagné toutes les causes qu'il a portées à l'attention du Conseil Souverain de la Nouvelle-France. En 1682, parlant au nom des habitants de Batiscan, il s'oppose au curé de la place, messire François Dupré, au sujet d'un supplément exigé à la dîme. Cette affaire a pris naissance à la suite d'une ordonnance royale émise en mai 1679. Le 5 septembre 1682, les habitants apprendront à leurs dépens qu'il est Inutile d'aller contre les désirs de Sa Majesté, sinon chaque contrevenant pourra se voir imposer une amende de cent livres.., et même une unition corporelle!


Marque d'une piété singulière

Au recensement de 1681, Nicolas a 60 ans et iI demeure avec sa femme et ses dix enfants â Batiscan. Il y exercera la fonction de capitaine de milice jusqu'en 1698, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de 81 ans. En fait, il achève son voyage en ce bas mondé. Le 1er juillet 1701, on le conduira à son dernier repos, au petit cimetière paroissial. Il était resté actif jusqu'à la fin. Sur son acte de décès, le curé Inscrit qu'il a manifesté toutes les marques d'une piété singulière. Catherine, sa femme, lui survivra près de huit ans, étant aussi inhumée à Batiscan le 28 juin 1709.


Sept fils, et trois filles

Nicolas Rivard et Catherine de Saint-Père ont été les parents de sept fils et trois filles:
Nicolas (1654-1719), marié à Elisabeth Trotter, puis à Françoise Marien, veuve de Sébastien Grenat:
Jeanne (1656-1698), mariée à Charles Dutaut;
Julien, sieur de la Glanderie (1657-1708), marié à Elisabeth Thunay:
François sieur de Lacoursière( 1659-1726), marié à Madeleine Lepellée, puis à Geneviève Chène dit Lagrave;
Pierre, sieur de Lanouette (1661-1724), marié à Catherine Trotier;
Madeleine (1663-1737), mariée à Pierre de Lafond;
Michel (1665-1687); Jean, sieur de Préville (1668-1731), marié à Geneviève Trotier:
Catherine (1673-1703), mariée à Alexis Marchand;
Antoine, né en 1675, marié avec Marie Briard en août 1704 à la Mobile en Louisiane, puis à Antoinette Fourrier de Mirebaize de Villemont à la Nouvelle-Orléans vers 1720; décédé au Bayou Saint-Jean, le 11 janvier 1729.

Plusieurs surnoms (patronymes)

Les descendants de Nicolas Rivard ont porté divers surnoms, (patronymes) ce qui complique quelque peu leur généalogie. L'ancêtre se faisait aussi appeler Lavigne, surnom qui est passé à de nombreuses familles ayant vécu sur la rive sud, face au comté de Champlain.

Julien, le second fils de Nicolas, est à la tête de la branche des Laglanderie. Ce surnom a presque complètement disparu. Son fils Joseph a épousé Elisabeth Thunay dit Dufresne. Les descendants de ce couple ont conservé le surnom de leur mère, c'est ce qui explique la présence de nombreuses familles Dufresne en Mauricie.

Les Lacoursière descendent de François, troisième fils de Nicolas. Les Lanouette et Lavigne descendent principalement de Pierre, le quatrième fils. Les Préville nous viennent de Jean, le sixième fils. François, fils de Julien, a pris le surnom de Laglanderle-Beaucourt. A la quatrième génération, on retrouve même Jean-Baptiste Préville dit Gervais. surnom qui lui vient de son père prénommé Gervais.


Où vivent les Rivard ?

Grande avaleuse de ressources humaines, la région montréalaise a attiré vers elle le plus grand nombre des descendants de l'ancêtre Nicolas. I! s'y trouve au moins 450 familles Rivard, 700 Lavigne, 650 Dufresne, 80 Lacoursière et autant de Lanouette. de même que plus de 50 Préville.
Cependant, les Lavigne et les Dufresne peuvent appartenir à d'autres familles, notamment aux Tessier dit Lavigne et aux Bouim dit Dufresne. La Mauricie compte près de 300 familles Rivard, plus de 200 Dufresne, plus de 150 Lacoursière près de 100 Lavigne et quelques Lanouette. Ces familles, sont aussi passablement nombreuses dans la région de Québec.


Références bibliographiques

(1) "Chez nous", chapitre Intitulé "La Patrie." édition Garneau 1943. pages 123 et 124.

(2)"Tourouvre et les Juchereau". publié en 1965 par la Société Canadienne de Généalogie.
Tableau de la famille Rivard-Mullard. p. 70.

(3) Un autre membre de la famille Rivard. Jean, serait venu en Nouvelle-France dans l'intention de s'y établir. En effet, un Jean Rivard été confirmé au Cap-de-la-Madeleine par Mgr de Lavai, le 1er mai 1664. en même temps que Robert Rivard dit Loranger. Pierre Rivard et Jeanne Mullard avalent précisément un fils qui portait ce prénom. baptisé à Tourouvre le 20 novembre 1633 et marié au même endroit, le 7 mai 1874, à Louise Vaudron, fille de Me Jean Vaudron et de Mathurine Chastel.

(4) Livre cité, page 69.

(S) Greffe de Séverin Ameau.

(6) Greffe de Jacques de la Tousche.

(7) Germain Morin (1642-1702). ordonné en 1665, fut secrétaire de Mgr de Laval avant de devenir curé de Sorel, de Saint-Augustin et de Sainte-Anne-de-Beaupré. Ce fils de Noël Morin et d'Hélène Desportes a été fait chanoine quelques années avant de mourir.

(8) Rapport des Archives nationales du Québec, 1971. page 26 (Inventaire des pièces détachées des cours de justice de la Nouvelle-France).

(9) Mémoire de la Société généalogique canadienne-française volume XIII. 1963.